31 juil. 2007

Des racines [coréennes] et des ailes [d'avion]

Samedi midi, Chez Kim&Kim dans le 11e.
Leurs valises empilées remplissent un bon quart du coquet restaurant. Ils sont une petite dizaine attablés lorsque nous arrivons, mon amie et moi. On sent dans l'air l'euphorie à l'approche imminente de ce départ de vacances à destination de la Corée du Sud.

Personnellement, je tranche avec la frénésie ambiante. Je suis blasée. Peut-être est-ce parce que je ne fais pas partie du voyage ou peut-être qu'après tout, je reviens aussi d'Asie et de vacances, donc je sais ce que c'est ;-). Ma première réaction spontanée est donc de penser très fort: pour des personnes originaires du pays du Matin calme, qu'est-ce qu'ils sont excités ;)

En fait, je n'ai pas tilté sur le coup que outre la frénésie habituelle des départs de vacances, il y avait vraiment de quoi s'exciter. Ce n'est pas un simple voyage touristique organisé par une banale agence de voyages. Non, cette joyeuse troupe composée de Français d'origine coréenne se rendait en Corée avec le concours de l'association Racines coréennes. La plupart ont été adoptés lorsqu'ils étaient encore enfants. Pour beaucoup donc, il s'agit d'un premier retour aux sources.

Sitôt la glace brisée, on se prodigue conseils et recommandations."J'ai entendu qu'il fallait tenir son verre avec les deux mains par politesse","Oui, les cigarettes sont beaucoup moins chères là-bas, tu verras ça vaut le coup," N'oublie pas de te lever dans les transports lorsqu'une vieille dame arrive,"Comment dit-on 'merci' en coréen ?", etc...

Les "vieux routards" rassurent avec bienveillance les petits jeunes dans une ambiance bon enfant "oui, tu retrouves des odeurs dès la descente de l'avion", "les Coréens sont très chaleureux même si tu leur dis que tu ne comprends pas leur langue, ils te donnent une grande tape dans le dos et continuent à te parler coréen :-)", etc...

A un moment, je crois reconnaître parmi les voyageurs-convives une fille que je connais. Vu ma mémoire défaillante des prénoms, j'essaye la technique des grands sourires insistants qui signifient "je suis sûre que je t'ai déjà vue quelque part, mais je ne me rappelle plus de ton prénom. Aide-moi à te resituer s'il te plaît." Aucun succès. J'en avise mon amie "dis, je suis sûre de la connaître cette fille, mais je me demande d'où..."
Sourire de mon amie: "l'émission des Racines et des ailes lui a consacré un reportage lorsqu'elle est repartie en Corée il y a quelques années

Mais oui, bien sûr ! Je revois très bien l'articulation de ce reportage qui suivait des destins croisés sur l'adoption. Grand moment de solitude de ma part. Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de sourire à une personne que vous pensiez connaître alors qu'en fait vous ne l'avez vue qu'à la télé ? Je ne pense pas avoir vécue situation plus humiliante dans ma vie, à part peut-être la fois où j'ai oublié de verrouiller la porte des WC au boulot, humpf passons.

Les plats arrivent, l'excitation n'est pas retombée, et je constate non sans une certaine malice que je ne suis pas la seule ignare en matière de cuisine coréenne :-). Mes voisins de tables et moi connaissons mieux le goût d'une entrecôte-frites que celui d'un Bibimbap. Du coup, je me sens très proche de toute l'équipe: mais oui, malgré leurs yeux bridés et leurs peaux plus jaunes que la mienne, ils sont français au même titre que moi ! Leur éducation, leurs références, leur culture, leur humour, leurs vannes, oui, ils sont bien français. D'origine coréenne mais français. Et à ce moment précis, toutes les tergiversations sur l'Identité Nationale, sur ce que cela représente d'être français, l'assimilation, l'intégration (la désintégration aussi?), bref, toutes ces palabres , ca me fait bien marrer.

Parce que ce n'est pas un papier qui définit ton identité. Ni un décret de naturalisation. L'exemple de Jonathan Littell sur ce point est édifiant: français de coeur , il lui a fallu un prix Goncourt pour que l'Administration française daigne changer ses 2 précédents refus et revienne la queue entre les jambes le supplier d'être Français- ridicule, quand tu nous tiens !
Ton identité, c'est quelque chose que tu ressens au plus profond de toi, quelque chose dont tu es - à peu près- sûr...

La suite de l'histoire de ces amis coréens ? Je ne la connais pas encore... Véritables retrouvailles ou alors déceptions par rapport à une certaine attente ? Tout est encore possible. Réponse dans trois semaines...


Chez Kim&Kim, 15 rue Chevreul dans le XIe à Paris.
Manger coréen à Paris.
Des racines et des ailes sur France 3.
L'association Racines coréennes.
Partager ses expériences et ses interrogations sur le forum de l'association.
Témoignage de Kim

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