24 janv. 2008

Toinette (2) - Le dernier voyage

Mercredi. C'est mercredi qu'on transportera Toinette au caveau familial. Les enterrements ne se font ni les mardis, ni les jeudis à cause d'un fady tellement ancien que personne n'a su me l'expliquer. (si qqn sait pourquoi d'ailleurs, merci de le mettre en commentaire).

Le culte a lieu à 13h pour permettre aux personnes qui travaillent d'assister à l'office sur l'heure de leur déjeuner. L'église est pleine à craquer. Je croyais que c'était parce que Toinette était une dame très douce, très respectée et aimée par beaucoup. Je pense que ça a joué mais aussi pour les malgaches, la religion et entourer la famille, ça compte énormément.

Quelque 1h30 et quelques yeux rougis plus tard, nous nous retrouvons en voiture sur le chemin du caveau familial. Après la sortie de Tana, un virage oblique sur la gauche nous mène sur un petit chemin de terre rouge. Mieux vaut disposer d un 4x4 pour éviter de tuer les amortisseurs sur les creux et les bosses.
Aux alentours, rien ou plutôt aucune habitation mais la végétation typique des Hauts Plateaux: quelques arbustes touffus et de srizières en étage. Plus aucun bruit d'activité humaine, si ce n'est le crissement d'un pneu mouillé qui dérape sur une flaque d'eau. Nous continuons de nous engouffrer dans la vallée lorsque je pense en mon for intérieur que les gens ont si peur de vivre près des tombeaux, qu'ils mettent leurs morts loin de tout. En fait, rien à voir, c'est juste que la famille avait un terrain là...

Puis, après quelques minutes d'ennui extrême pour la citadine que je suis, nous atteignons un village - enfin quelques bâtisses éparses, quoi. Le gros du cortège est arrivé et les gens se tiennent tout endimanchés près du fasana (tombeau).

Le climat est lourd. Des nuages noirs se sont amoncellés d'un air menaçant. 2-3 techniciens improvisés arrangent la sonorisation pour que le pasteur prononce la dernière oraison funèbre. Je peine à tout comprendre. Mais l'assistance, recueillie, hoche la tête de temps à autre en signe de compassion peut-être.

"Hivavaka isika".
Nous baissons la tête pour prier. Dans la cour d'à côté, seuls les zébus continuent de mugir, troublant à eux seuls la sérénité du moment. Alors que les premières gouttelettes commencent à tomber, la foule entonne a cappella "Jeso vato fehizoro".

Les paroles s'envolent vers le ciel tandis que les hommes de la famille sortent le corps du cercueil, enveloppé dans son lamba-linceul.

Jeso vato fehizoro
Afa tahotra ny fo
Raha ianao no mampijoro
Sy iankinana tokoa
Vato fiorenanay
Jeso zanaky ny Avo
Vato fialofanay
Amin-dratsy te handavo

Vato azo itokiana
Sady tsy mba mivena
Afaka ny fahoriana
Raha ianao no ekena
Jeso Tompo irery
No'lay vato tsy nifindra
Jeso Tompo irery
No'lay fehizoro indrindra



2 Comms:

At 4:21 PM, Anonymous Nivo a dit ...

D'après ce que j'ai pu lire, les interdictions du mardi et du jeudi sont liées au fait qu'éthymologiquement ces jours font référence à une idée de répétition (en gros, si on enterre qq1 le mardi ou le jeudi ça pourrait se répéter).

(Lu ici et là):
- Mardi : se dit Talata, mais on le surnomme souvent "Talata Goraobaka", cad "mardi éventré". Dans "mardi", il y a donc la notion d'"ouverture constante" (pas très claire lol) et que tout ce qu'on fait un mardi peut se répéter plusieurs fois
-Jeudi : se dit Alakamisy. "Misy" signifie "il y a". Faire un enterrement le jeudi implique une idée de répétition

Je sais qu'il y a beaucoup de choses que les gens ne font pas le mardi par exemple, pour les mêmes raisons (dans le genre ne pas sortir l'argent le mardi parce que tu risques d'en sortir toute ta vie et finir ruiné :P )

Voilou voilou

 
At 10:37 AM, Anonymous Tattum a dit ...

Waow! Tu as décodé toi-même les paroles? ;)
Contente de te lire en tout cas.

"après quelques minutes d'ennui extrême pour la citadine que je suis, nous atteignons un village"
=> une fois que tu as vécu dans la campagne alsacienne, je t'assure, l'ambanivohitra malagasy c'est du pur bonheur, même si on se considère foncièrement citadin. :) C'est mon avis.

 

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